Ma Famille & moi

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Résidence « Ecrivain(e) en Seine-Saint-Denis  » au lycée Jacques Feyder d’Epinay-sur-Seine

 

Qu’est-ce que la famille ? Qu’est-ce qui nous unit les uns aux autres ? Que nous transmettent nos ainés ? Qu’allons-nous léguer à notre tour à nos enfants ? Ce sont des interrogations, points aux courbes infinies, que je ne cesse de dérouler dans mes romans et une partie de mon travail photographique. De texte en texte, d’image en image, je mène une sorte
d’enquête intime et universelle à la fois. Je questionne mon identité d’enfant de mes parents, de fille devenue femme, de mère, d’artiste. Je pointe les creux et les bosses. J’explore les secrets et les répétitions. Je piste les héritages. Je
construis mon émancipation.

Si j’ai eu envie de proposer ce projet d’exposition et de beau-livre à ces deux classes IDIS (InterDISciplinaires) du lycée Jacques Feyder, c’est d’abord parce que j’ai rencontré leur professeur d’espagnol, Candice Charles, dont l’énergie, l’enthousiasme et l’investissement m’ont bluffée. Tout est toujours une histoire de rencontres dans la vie, d’intersections heureuses, d’envies partagées sous un même ciel, un jour une heure. Une histoire de planètes qui s’alignent ou de désirs conscients inconscients qui se chevauchent. Mais il n’y pas de hasard. Je crois aux envies qui se réalisent à force d’y penser et d’en parler. Je crois aux paroles et aux actions, petits papillons aux ailes puissantes, qui accompagnent nos pas et nous permettent de dépasser les frontières. Face au désir de Candice et de l’équipe IDIS de monter un projet artistique avec leurs élèves de seconde, j’ai réfléchi. Et si on les faisait gamberger sur leur lien à leur famille, puisque c’est le fil conducteur de mon travail ? Au moment où les personnalités se forgent, où la fréquentation des copains dans la cour de récréation chamboule les comportements à la maison, où les définitions se cherchent et ne se trouvent pas toujours, où chacun se pose des questions sur ses origines, ses goûts, sa culture, ses tabous, cela me semblait intéressant. Nécessaire. Risqué, aussi. Car cela signifiait que j’allais leur demander de mettre de côté leur pudeur et d’oser poser des mots sur leur histoire personnelle, de parler sentiments, émotions. Pas rien.

Les premiers ateliers ont eu lieu dans les rires. Les rires et les chuchotements et les soupirs. Quand on est gênés, c’est un réflexe vieux comme nos ancêtres, vieux comme le début du monde. On rit. Pour ne pas montrer qu’on est touchés piqués troublés, on regarde ailleurs et on rit dans sa barbe ou son collier. On parle fort. On raconte n’importe quoi. On s’agite sur sa chaise. On jette ses yeux intimidés, absents ou fatigués, par la fenêtre, circulez, y a rien à voir. Avec
leurs blousons et parfois leur sac vissé sur le dos, les baskets nerveuses prêtes à détaler à la première sonnerie, les quarante-huit élèves répartis en deux classes ont donc ri. Mais au fil des ateliers, lentement, sûrement, ils ont aussi accepté de jouer le jeu. Un peu. De ne pas se laisser enfermer dans leurs peurs. Ils ont commencé à écrire. Quelques phrases pour certains. De longs textes pour d’autres. Le courage que cela leur demande, on ne l’imagine pas. Il en faut des s’il te plait et des allez pour qu’ils prennent confiance en leurs mots et leurs pensées. Le petit miracle est là. D’une description à l’autre. D’une émotion lâchée au détour d’un verbe, presque par inadvertance, à une pensée développée. D’un poème à une lettre.

C’est ce travail que j’ai la joie et la fierté de présenter ici. Leur audace. Leur énergie. Leur sensibilité. Leurs regards sur eux-mêmes et leur famille. Un petit miracle, je vous dis. Et pour ce petit miracle, je leur adresse un grand et chaleureux merci. Merci à Sirine, Calista, Wesley, Abdallah, Amira, Yannis, Zineb, Abdu, Alya, Ivan, Soumaya, Luna, Lofti, Cindy, Salima, Youssef, Averroès, Rizlène, Jilliane, Ludyvine, Rayane, Christopher, Adama-John, Vladislav, Adam, Aissata, Aurélie, Birkan, Danaëlle, Dania, Darren, Hichame, Idir, Inès, Louis, Jérémie, Morrisey-John, Philippe, Sabrina, Sarah, Shana, Sirine, Sofiane, Victoria, Yohan. Merci aux professeurs qui m’ont accompagnée et soutenue, Candice Charles et
Gaëlle Bouquet notamment, ainsi que Romain Potel, Michaël Pommier, Assia Ghandour, Paule Brocart, Anne Costa, Maxime Benatouil, Samira Messaoui, Pierre Schramm et Rémi Bernede. Et merci à Arnaud Lévénès et au studio La Capsule. Les petits miracles se font à plusieurs.

Sandrine Roudeix
2 Juin 2022

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Extrait du livre publié à l’occasion

Extrait de l’exposition